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Histoire de l'Eglise en France : 6 juin 1852, première réunion publique

Nous sommes en 1849. William Howells*, converti gallois, est le premier missionnaire à fouler le sol français. Il sera suivi, un an plus tard, par John Taylor, membre du Collège des Douze,  et son compagnon, Curtis Bolton, qui, après le départ de l’apôtre, deviendra le président de la mission française. Gros plan sur les débuts de l’Eglise en France et ses premiers succès missionnaires.

Malgré bien des déboires avec le pouvoir en place, sous le Second Empire, Curtis Bolton parvient à organiser le six mai 1852, une réunion dans une salle à la barrière de Montreuil.  La salle est pleine et trois personnes demandent le baptême, qui sera organisé dès le lendemain. Le huit, frère Bolton rencontre le Ministre de la Police, qui l’autorise officiellement à louer une salle pour des réunions. Le dix, de nouveaux baptêmes ont lieu dans l’île Saint-Ouen. Après des cantiques et un discours, quatre personnes sont baptisées : le forgeron Florimond et sa famille et un serrurier du nom de Vales.  À la fin des baptêmes, un certain M. Bandelier, pasteur protestant, arrive avec son épouse et un ami.  Beaucoup d’amis sont présents.  Après un repas léger, ils s’asseyent au bord de la rivière et, ayant chanté l’un des « merveilleux chants de Sion de Bertrand », Bolton fait un discours.  Quarante personnes sont présentes ce jour-là !

Bolton et les autres frères partent ensuite à la recherche d’une salle pour les réunions. Étant donné que les réunions du pasteur Bandelier ont été interdites par le gouvernement, ils n’osent utiliser son église, de peur que les autorités ne fassent l’amalgame. Déjà, la police s’est rendue chez frère Metzger, nouveau converti de la branche, pour prendre des renseignements sur toutes les personnes présentes chez lui. Curtis décide de ne plus y tenir de réunions. Ils en font une chez frère Squire, rue de Paradis-Poissonnière. Entreprise courageuse, car, dans le même immeuble, habitent trois prêtres, un gendarme et un « mouchard » !  D’autres réunions se tiennent chez frère Fonteneau, dans un autre quartier de Paris. On décide du prochain jeudi pour d’autres baptêmes. 

Le dix-neuf mai, la petite assemblée reprend la route de Saint-Ouen où huit nouvelles personnes sont baptisées. Bolton dénombre trente quatre membres en France, lui compris, et quarante baptêmes : vingt-sept à Paris (dont six par John Taylor) et treize au Havre. Le vendredi, après un pique-nique près de la barrière du Trône, trois des nouveaux baptisés reçoivent le don du Saint-Esprit chez frère Victor Fonteneau et, le lendemain, quatre autres chez frère Squire. 

Enfin, après bien des recherches, Bolton trouve un atelier qui leur est prêté gratuitement par un ouvrier, au cœur du Faubourg Saint-Antoine, près de la Bastille. Finalement, arrive le grand jour. Le dimanche six juin 1852, les saints de Paris tiennent leur première réunion publique officielle, deux ans, à quelques jours près, après l’arrivée des missionnaires en France !  Bolton a envoyé une lettre (dont nous avons le texte) au commissariat du quartier le trois juin  La salle est au 37 rue de Charonne, « au fond de la cour de l’épine, chez Martin ».  Les réunions doivent se tenir le dimanche soir, à six heures, et le mardi soir, à huit heures.

La lettre au commissaire mentionne que la communauté parisienne est composée de trente trois membres, vingt français et treize étrangers. Vingt à trente non membres sont également présents. Tout se passe bien. Dans son journal, Curtis s’exclame : « Gloire au Dieu des cieux !  Loué soit le Seigneur ! Ô mon âme, et tout ce qui est en moi louent son saint nom ! »  La réunion s’étant terminée à huit heures, et à cause de la pluie, Bolton prend l’omnibus à Bastille pour rentrer chez lui.  A neuf heures un quart, ce soir-là, il reçoit une note du commissaire de police lui réclamant la liste des membres de l’Eglise avec leurs adresses !  Il répond qu’il l’enverra dès qu’il aura récupéré les adresses. 

Etre missionnaire ou membre dans le Paris de Napoléon III est donc loin d’être facile. D’ailleurs, ces réunions officielles seront bientôt interdites. La police traque tous les opposants au régime et le gouvernement se méfie de tous, saints compris. Les faits et gestes des missionnaires sont sous contrôle permanent. Dans la France concordataire, seulement quatre cultes sont reconnus. Les autres sont à peine tolérés. Pas étonnant que la plupart de ces convertis n’aient eu de cesse d’émigrer en Sion !

 * Il fera trois séjours en France, en particulier au Havre, à Saint-Malo et à Boulogne-sur-Mer.

 Article écrit par Christian Euvrard, docteur en Sciences des Religions à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne et directeur de l’Institut de religion de Paris. 

Remarque concernant le nom de l’Église:Quand vous parlez de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, veuillez utiliser le nom complet de l’Église la première fois que vous la mentionnez. Pour avoir plus de renseignements sur l’utilisation du nom de l’Église, consultez notre Guide de rédaction.