Edgar Brossard, missionnaire appelé comme président de la mission française en 1912, fut relevé le 9 mai 1914. Il expliqua : « J’ai été relevé… juste avant le début de la Première Guerre mondiale. Certains en Europe ne pensaient pas qu’il y aurait la guerre mais je le savais… J’ai essayé d’avertir les Français… Quand l’Allemagne attaqua, les Français n’étaient pas prêts du tout. »[i]
L’apôtre Hyrum M. Smith,[ii] fils du président Joseph F. Smith, était en Allemagne lors de la déclaration de guerre. Il écrivit : « Cinq des plus grandes nations chrétiennes sont maintenant en guerre entre elles. [Leurs habitants] prient une même divinité pour que celle-ci soit favorable à leurs armées, leur donne la victoire et mène à la défaite, à la honte et à la ruine de leurs ennemis chrétiens. Il semble que Dieu soit dans une bien étrange situation. Qui entendra-t-il et à qui ira sa faveur ? Au Kaiser d’Allemagne ? Au Tsar de Russie ? Au Roi d’Angleterre ? À l’Empereur d’Autriche ? Au Président de la France ? À quelle mère, épouse ou sœur des différentes nations qui offrent des prières ferventes au bénéfice d’un fils, d’un mari, d’un frère, engagés à se tuer les uns les autres répondra-t-il ? »[iii]
Les missionnaires en France furent pris dans la tourmente. À Lille, deux d’entre eux, Hans Arthur Davidson et Benjamin F. Hulme, écrivirent dans leur journal :[iv]
1er août 1914 : (H) « L’esprit de guerre est trop présent… Un policier voulait nous renvoyer aux États-Unis mais a fini par se convaincre qu’il n’y parviendrait pas… La guerre semble maintenant imminente. »[v]
2 août : (D) « La France a commencé à mobiliser ses troupes. »[vi]
3 août : (H) « Les quelques personnes qui sont venues aux réunions cet après-midi étaient très tristes… Nous avons appris aujourd’hui que tous les étrangers qui n’étaient pas allés à la police seraient arrêtés demain comme espions… Lille a été placée sous la loi martiale aujourd’hui. »
11 août : (H) « Un policier qui voulait voir nos papiers est entré. Il a pris mon passeport et la lettre de la police de frère Davidson… Vingt minutes plus tard, il est revenu et nous a rendu nos papiers en disant qu’on nous avait signalés comme étrangers dans Lille et qu’il avait été envoyé pour nous suivre. Il nous a serré la main et est parti. »
24 août : (D) « Nous avons reçu une lettre du président Howells ce matin nous disant de quitter Lille aussitôt que possible. »
Comme les trains étaient tous réquisitionnés pour les troupes, ils ont pris une voiture, puis un train à Béthune, de là à Abbeville, Amiens et Rouen. Benjamin Hulme : « Pendant la nuit, nous avons vu passé un train plein de soldats anglais blessés… » Ils ont croisé des centaines de réfugiés : « des femmes seules avec plusieurs enfants, des femmes et des hommes âgés, tous allongés sur le sol, essayant de se reposer. » Enfin, le 26 août, ils ont rejoint Paris. Certains finiront leur mission dans les Îles britanniques ou au Canada, d’autres rentreront chez eux.
Joseph F. Smith rappela : « Il n’y a qu’une chose qui puisse apporter la paix dans le monde. C’est l’adoption de l’Évangile de Jésus-Christ, bien compris, respecté et pratiqué aussi bien par les dirigeants que par le peuple. » Il a ajouté qu’un jour on « jugera la guerre comme crime contre le genre humain, et les fauteurs de guerre comme criminels ».[vii]
Article écrit par Christian Euvrard, docteur en Sciences des Religions à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne.
Notes
[1]Hyrum M. Smith a été ordonné apôtre le 24 octobre 1901
2 Hyrum Mack Smith (1872-1918), Diaries 1913-1916, MS 5842, CHA
3 Hyrum Mack Smith, Op. Cit.
4 La lettre D correspond au journal de Davidson et la lettre H au journal de Hulme.
5 Benjamin F. Hulme, Journal de mission, 1914-1916, copie en possession de l’auteur, communiqué par Laura HulmeHarmon, sa petite-fille, que nous remercions.
6 Hans David Hans Arthur Davidson, Papers 1913-1915, MS 18330.
7Joseph F. Smith, Gospel Doctrine, Deseret Book Co., SLC, 5eédition, 1939, p. 421